Cette grande Aveyronnaise, née à Montbazens et institutrice à Villefranche, reconnue Juste parmi les Nations en 2017, a recueilli pendant la Seconde Guerre Mondiale un petit garçon Juif âgé de deux ans, Victor Gottesman, qu’elle a fait passer pour son petit-fils. Alors que son père, combattant au sein du FTP-MOI dans la région toulousaine est mort au cours des combats pour libérer la ville, et que sa mère était dans l’incapacité de l’élever après la Libération, Eva a continué d’accompagner Victor et l’a aimé comme un fils tout au long de sa vie.
Nous avons tenu à honorer sa mémoire et son geste admirable, autorités, élus, responsables associatifs, professeurs, lycéens, citoyens dont M.Gottesman, présent ce jour-ci. J’ai voulu rappeler l’immense courage et humanisme de ces femmes et ces hommes qui se sont élevés contre l’occupant en le combattant, en aidant leurs cibles, en refusant son dessein mortifère. Toutes et tous, par leurs actions héroïques, nous ont ouvert une voie universelle faite de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice et de démocratie dont nous avons hérité.
Voici le discours que j’ai prononcé à cette occasion:
» Nous sommes réunis en cet instant solennel pour l’inauguration du Square Eva Pourcel, et pour honorer cette grande dame aveyronnaise, grande dame de notre pays et au-delà, Juste parmi les Nations.
Nous rendons hommage dans ce jardin d’enfants à Eva Pourcel, hussarde noire de la République, elle qui a guidé de nombreux jeunes Villefranchois dans leurs premiers pas de citoyens, elle qui a accueilli et aimé comme son petit-fils Victor Gottesman de l’année 1943 jusqu’à la fin de sa vie, en 1971.
Malgré la cruelle Occupation, malgré la loi martiale qui a sévi à Villefranche, malgré la répression et le danger de vivre si près d’un dépôt de matériel Allemand, Eva et les Villefranchois dans la confidence ont pris soin de Victor. Victor quant à lui s’est épanoui dans Villefranche et la France de l’après-guerre, a vécu une belle et riche vie, ponctuée de réussites et nous avons le bonheur de le compter parmi nous en ce jour pour honorer sa grand-mère de cœur.
Gloire à toutes les Eva Pourcel qui ont semé des graines de tolérance, d’humanité et de fraternité qui ont éclos en de nombreux Victor Gottesman, dignes citoyens de notre pays.
Nous rendons ainsi hommage à toutes ces femmes et ces hommes qui refusèrent l’instauration d’un régime raciste, criminel et antidémocratique.
Nous rendons hommage à toutes ces femmes et ces hommes, résistants, qui, guidés par leur humanisme, ont combattu le fascisme, aidé et accompagné des centaines de personnes dans notre département, des dizaines de milliers dans notre pays.
Nous rendons hommage aussi à tous ces combattants étrangers, dont Zev Gottesman, père de Victor, Juif venu d’Ukraine et de Palestine anglaise, qui a rejoint la Résistance dès 1940 auprès du FTP-MOI, est tombé pour la liberté le 19 août 1944 à Toulouse lors des combats pour la libération de la ville.
Gloire à eux.
Alors que le voile noir du fascisme et des forces réactionnaires a recouvert durant plusieurs années la quasi-totalité de l’Europe asservie, alors que ces forces s’infiltrent à nouveau au cœur de nos institutions, pervertissant l’idée même de République et nos valeurs les plus fondamentales, alors qu’elles sont aux affaires dans certains pays voisins et amis, il est plus que jamais nécessaire pour nous tous de nous inspirer de toutes ces femmes et ces hommes venus d’horizon divers qui nous ont montré la voie.
Plus que jamais, souvenons-nous d’eux, eux qui ont bravé tous les risques et incarné la France, incarné la force des valeurs humaines de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice, de démocratie.
C’est pourquoi je tiens à saluer la mairie de Villefranche qui pose aujourd’hui une pierre à notre édifice mémoriel.
Je tiens à saluer l’Institut Yad Vashem et le Comité français pour Yad Vashem qui mènent un travail précieux d’information, de documentation et de commémoration sur la Shoah.
Je veux également saluer l’action dans notre département des associations d’anciens combattants et de victimes de guerre, de résistants et de déportés, pour souligner toute l’importance de leur œuvre de mémoire et toute l’importance des efforts qu’elles font pour enseigner aux jeunes générations le message de cette France combattant pour sa liberté.
Je veux enfin saluer le travail des professeurs des écoles, des collèges et des lycées qui, à l’image d’Eva Pourcel, instruisent nos enfants et continuent à perpétuer le souvenir de cette sombre période et celui de toutes ces femmes et ces hommes qui se sont élevés contre l’extrême droite mortifère.
Ainsi, au nom du passé que nous célébrons ensemble et de l’avenir que nous construirons également ensemble :
– Il nous revient de dire aux jeunes, combien il est capital de continuer à résister face à l’oubli, aux dérives négationnistes, aux menées antisémites et racistes.
– Il nous revient de leur dire que l’engagement et l’humanité d’Eva Pourcel, et de tous ceux qui ont combattu et tendu la main ne se résument pas seulement à des noms gravés dans la pierre ou sur des stèles, mais sont le témoignage bien vivant d’un combat qui n’est jamais terminé.
– Il nous revient enfin de leur dire que, quand la liberté, les droits de l’Homme ou les valeurs de la République sont en jeu, la résistance est une exigence de tous les instants. »
